François Bonnet, « Un crime sans déviance : le vol en interne comme activité routinière », Revue française de sociologie, vol. 49, n°2, avril-juin 2008, pp. 331-350
Le vol en interne – les vols commis par les employés sur leur lieu de travail – représente une masse considérable de délits. La littérature économique et de management n’analyse le vol en interne que pour se demander comment le réduire ; la littérature sociologique en fait un acte de résistance contre l’injustice au travail. Dans ce travail, on replace le vol en interne dans le cadre de la routine activity approach (un courant ‘choix rationnel’ de la criminologie américaine) à partir d’une enquête dans les secteurs de la grande distribution et du nettoyage. Analyser le vol en interne comme une délinquance routinière permet de voir que celui-ci est moins une déviance par rapport à une norme qu’une fonction des opportunités et de la surveillance. La théorie du principal-agent et des coûts d’agence est mobilisée pour comprendre que la surveillance du vol s’inscrit moins dans une logique de prévention/répression que de tolérance/acceptation de ce qu’on ne peut pas surveiller. Délinquance routinière, le vol en interne provoque moins le scandale qu’il n’est susceptible d’être instrumentalisé par ses victimes – les employeurs pouvant utiliser le vol comme prétexte pour le licenciement. Les enjeux théoriques de la routine activity approach sont discutés en conclusion.
Voir les compte-rendus sur Fred et Ben sociobloguent, Une année d'articles sociologiques, dans Sciences Humaines et sur Rue89 (Eco89)
François Bonnet, « Le vol en interne : les vols commis par les salariés sur leur lieu de travail », Sociologie du travail, vol. 49, 2007, pp. 544-556
Ce travail fait le point sur la littérature en sciences sociales sur le vol en interne (les vols commis par les salariés sur leur lieu de travail). Les enquêtes ethnographiques et par auto-révélation montrent qu’il s’agit d’une déviance prégnante dans le monde du travail. Les sociologues et les anthropologues interprètent principalement le vol en interne comme un moyen politique de résistance contre l’injustice de l’exploitation au travail. Symétriquement, les économistes et la littérature du management insistent sur la dimension proprement délinquante du vol et recherchent les moyens pour les patrons de se prémunir contre les salariés indélicats. Au-delà de cette opposition, le vol en interne apparaît comme un cas pertinent pour étudier la complexité du rapport salarial.